Frédéric Jurd (Cornélius) : « La période a changé la communication »

A la tête de l’agence strasbourgeoise CORNELIUS, Frédéric Jurd présente le dispositif mis en place. Il partage également sa vision pour la sortie de cette crise sanitaire qui va, selon lui, impacter la communication.

 

– Comment l’agence CORNELIUS s’est-elle organisée depuis le début du confinement ?
– Nous n’avions bien entendu, comme beaucoup, rien anticipé face à la montée de l’épidémie et aux conséquences d’un possible confinement. Assurer la sécurité de chacun a été notre premier réflexe, puis la mise en place du télétravail, une réponse logique. Pendant les 30 premiers jours, l’activité partielle n’a pas été choisie : nous avons souhaité continuer à fonctionner avec régularité, même si la majeure partie des projets mis au planning à cours et moyen terme a été rapidement gelée.
Alors continuer à fonctionner, mais pour faire quoi ? D’abord pour garder le lien avec nos clients. Nous les avons tous appelés, pour savoir comment ils allaient et comment ils vivaient ce qui était en train de se passer, professionnellement et personnellement. C’était une action évidente, dans le prolongement des valeurs que nous entretenons chaque jour et que nous partageons volontiers. Nous avons fait la même chose avec nos partenaires et fournisseurs, pour maintenir la cohésion de notre écosystème. Nous y sommes très attachés. Nous pensons que cela a fait du bien à tout le monde, à nous compris.
Ensuite, pour nous consacrer à la veille et à l’analyse du contexte économique, politique et médiatique particulièrement inédit. Observer et synthétiser les tendances et réactions de l’opinion (et de ceux qui la font), c’est pour nous une passion de chaque jour, de toutes façons. En l’occurrence, ce fut aussi un préalable nécessaire à la prise de hauteur et à la formulation de nouvelles manières de pouvoir nous rendre utiles.

– Vos clients sont-ils actifs ? Quelle communication privilégient-ils dans cette période ?
– Nos clients ont globalement réagi selon le même modèle : suspension de toute nouvelle action et poursuite des projets avancés à plus de 50%. Certains ont toutefois assez tôt souhaité ne pas prendre de retard et avancer sur des dossiers dont ils maîtrisaient les tenants et aboutissants, même avec une date d’échéance inconnue.
De manière générale, les actions menées sur le terrain du digital ont eu plutôt tendance à se maintenir, quitte à y
apporter des correctifs liés à l’actualité, à l’inverse des campagnes qui devaient s’exprimer sur des médias plus
classiques. Celles-ci ont été logiquement annulées ou reportées.
La majorité de nos annonceurs, indifféremment de leur taille ou de leur typologie, a assez tôt utilisé les réseaux sociaux pour s’exprimer de manière «home-made» sur la continuité de service, le respect du confinement et le télétravail. Les messages – produits en interne – étaient informatifs et n’avaient clairement pas pour objectif de communiquer vraiment, de délivrer un message ou de montrer un regard particuliers. Il y avait certainement une crainte de paraître trop «humain» ou «donneur de leçon». Nos autres clients ont soit tout arrêté jusqu’à nouvel ordre, soit continué à être présents sur les réseaux, sans rien changer à leurs contenus et à leur programmation.
Tout cela nous a semblé bien froidement déconnecté et, semble-t-il, à leurs propres clients aussi. Nous regrettons
encore aujourd’hui n’avoir pas été consultés – ou pas consultés suffisamment tôt – sur de telles actions et sur leur portée.
Il y a eu – et il y a encore – des dégradations observables, en termes d’image ou de notoriété qui auraient pu être
facilement évitées. Au-delà, de vraies opportunités qui ont hélas manqué leur train. Nous aurions aimé avoir été le
partenaire que l’on appelle en cas de coups durs, comme l’ont été les cabinets d’expertise-comptable, au tout début
de la crise.

– En quoi cette période changera-t-elle la communication des marques et comment l’agence CORNELIUS a-t-elle prévu de s’adapter ?
– Nous pensons que la période a déjà changé la communication. C’est étrange, mais nous avons le sentiment que
certains annonceurs ont presque «découvert» qu’on pouvait communiquer en temps de crise. Que c’était nécessaire
pour garder le lien et aussi pour délivrer autre chose qu’un message à vocation purement commerciale. Les marques
ont compris, passés les premiers moments de stupeur et de pudeur légitimes, qu’elles avaient un rôle à jouer, en apportant de la chaleur, de la cohésion, et parfois un message de responsabilité. Ce n’est pas venu tout de suite,
mais c’est arrivé… et ça continue.
De notre côté, nous nous sommes mobilisés très vite, pour savoir comment être utiles, indépendamment des petits
premiers correctifs sur lesquels nous avons été missionnés. À cet égard, nous avons envisagés deux leviers :

  1. D’abord en initiant des actions permettant aux marques de rester présentes à l’esprit de leurs publics. Cela a impliqué la conception de messages et de campagnes qui sont autant de réponses à la situation, comme autant de regards positifs et originaux. Ce qui nous a semblé important, c’était de dépasser une simple réponse à l’actualité : de créer des sources de rayonnement et d’attachement, profitables à moyen terme.
  2. Ensuite pour les secteurs les plus impactés par la crise, pour lesquels le déconfinement est un moment crucial pour la survie des structures, nous avons réfléchi à des actions rapides et efficaces, destinées à soutenir les actions commerciales. Ces annonceurs ont en général été impactés les premiers par l’annulation de leurs commandes. Il était donc essentiel de leur proposer des solutions particulièrement efficientes qui impactent le moins possible leur trésorerie.

Dans les deux cas, il aura fallu être autant agiles qu’imaginatifs. Nous sommes convaincu qu’il faudra l’être encore
longtemps et déployer un sens de l’empathie qui n’avait jamais paru aussi essentiel.
Pour finir, cette crise aura mis en lumière l’extraordinaire jeu de dominos de nos sociétés. Cela aura démontré parfois
une fragilité insoupçonnée, parce que nous sommes tous liés les uns aux autres. L’approche confinée en «silos» qui
cloisonne les disciplines, les marchés, les clients, les fournisseurs ou le collaborateurs a clairement montré ses limites.
L’interdépendance est une réalité à laquelle nous devrons tous faire face.
Ainsi, appréhender une Big Picture, détaillée dans la moindre de ses ramifications est aujourd’hui devenu
incontournable. C’est le préalable à une vision plus rationnelle, plus juste et plus humaine. C’est une bonne nouvelle.

 

 

 

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